Catherine Auzuret: ‘Laisser une mémoire’

Catherine Auzuret (sawadicat), membre d’honneur de Street Photography France:

Paris, c’est la ville où je suis arrivée à 18 ans sans rien, pas même une valise ou un carton. Elle était immense, sombre, violente, inquiétante. Elle avait vraiment deux visages, celui des travailleurs et des travaux le jour et celui de nuit qui ne finissait pas à deux heures du matin. Elle bougeait, n’était pas disciplinée ni éteinte, ni encore trop musée. Elle ne pensait pas qu’à la food ni aux fringues. On ne disait même pas bobo encore. Ça sentait encore la contestation, l’anarchie, la liberté d’être et y’avait un mélange politico social plus large mais pas moins contestataire. J’avais l’impression qu’y avait plus d’engagements, plus d’échanges. En fait il n’y avait ni ordinateur, ni portable. On était connectés ou pas mais assurément d’une autre façon. On allait vers l’autre et on faisait en regardant autour. C’est du moins ce qui a titillé ma contemplation de ce monde, de cette grande ville où je vis depuis. Je me sens vivante dans cette ville que j’ai vraiment vu évoluer, que j’ai ressenti perdre ses humeurs de quartiers mais aussi ses personnages. Et je me suis attachée à en sauvegarder le plus possible quand j’ai compris que le meilleur moyen pour, était d’ouvrir le troisième œil pour prendre tout ce qui me touchait. La rue, la ville donne la tendance de l’à venir mais offre aussi un regard sur le passé, à travers ses citoyens de tous âges, de toute heure. Sortez au petit matin et vous verrez les gens de nuit qui saluent l’aube avant de sombrer pour recommencer la soirée suivante, vous verrez les travailleurs du matin au comptoir ou derrière, ceux qui nettoient et achalandent, les chiens qui sortent leur maître et pleins d’autres détails qui ne sont plus le reste de la journée. Et chaque moment offrira des scènes, des gens qui marquent leur temps et leur espace en insufflant de leur existence une cadence et une humeur à la ville. Comment ne pas se nourrir de tout ça et ne pas l’enregistrer. M’inscrire dans mon temps et ma ville en gardant et laissant une mémoire de ce que je peux raconter de ma vie en images.


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